Aquiu : un lieu hétérotopique ?

article du 16 février 2024

Dans ce court écrit je souhaitais poser des mots sur une réflexion en cours concernant le lieu qui accueille les shows de ma maison drag. Si la situation évolue, cet article aura donc une suite. Je me demandais comment nous pourrions qualifier ce lieu, qui nous ouvre ses portes et nous voit grandir.

Le café-scène ouverte Aquiu accueille depuis octobre 2023 les shows mensuels de la Maison des Pau(s)tiches, maison drag à laquelle je donnais naissance deux mois auparavant. Depuis peu nous partageons le calendrier avec la Mean House, seconde maison drag paloise. L’Aquiu fait vivre la scène drag locale à lui tout seul ; en dehors de mes shows annuels à l’université. Mon questionnement est de savoir si l’Aquiu devient un lieu hétérotopique par l’implantation dans sa programmation de deux shows drag/queer par mois.

Concrètement le lieu est un café à un étage, partiellement vitré et donnant sur un chemin piéton ; à l’intérieur la scène est concrétisée par une estrade en bois et face à elle des tables pour le public. Ce dernier est mixte puisque l’Aquiu a une programmation riche et diverse. Le lieu n’est pas en soi queer, mais plutôt friendly de façon non verbalisée. Le public de nos shows n’est pas uniquement communautaire ou averti, il y a toujours quelques personnes qui se retrouvent dans nos soirées par hasard, mais qui restent majoritairement une partie de la soirée.

© Radio France – Nicolas Malzac

L’Aquiu répond à une demande, déjà avec sa programmation générale, puis, avec ces shows drag qui font le plein à chaque soirée (entre 70 et 100 personnes). C’est assurément un lieu de sociabilisation queer lors de ces événements, un lieu perçu comme « safe » par les artistes et le public. Il a permis l’émergence d’autres « bébés drag » puisque nous avons organisé une scène ouverte en janvier 2024 et programmé neuf personnes, dont plusieurs ont depuis rejoint la maison des Pau(s)tiches. Un lieu régulier de performances permet la fidélisation du public et la naissance de vocation artistique. Le caractère cosy et chaleureux du lieu laisse transparaître une proximité entre artistes et public importante, l’accueil enthousiaste des performances met en confiance les futur-es « bébés drag » pour une éventuelle montée sur scène.

Lors des performances, il y a toujours certain-es drag qui choisissent de descendre l’escalier en introduction, reprenant alors la figure de l’escalier du music hall que descendaient les divas. Le numéro ne se limite donc pas à l’espace de l’estrade mais peut se poursuivre au milieu du public créant alors des ponts avec ce dernier et augmentant les interactions. L’estrade est toutefois utilisé la majorité du temps et notamment par Rawrph Werewolf, la drag qui host généralement le show. La host a la dure charge de présenter les artistes et de lancer les numéros sans faire retomber l’ambiance côté public. Véritable performance en soi, le hosting permet souvent d’entrevoir un discours camp basé donc sur une forme d’humour spécifique. La spécificité du lieu est donc cette ouverture à l’extérieur via les vitres donnant sur la terrasse et un chemin piéton récemment inauguré. Les artistes doivent prendre en compte qu’on peut les regarder dans leur dos et avoir une autre appréhension de leur show. Comment peut-on parler d’hétérotopie si le lieu est visible depuis l’extérieur ?

Nous perdons en quelque sorte l’intimité et le caractère presque confidentiel des performances. Idem pour la mixité aléatoire du public, le côté communautaire n’est pas garanti. Peut-être pouvons-nous nous risquer à parler de lieu hétérotopisant, queerisant, puisque certaines caractéristiques sont remplies (notamment le public majoritairement communautaire et le fonctionnement alternatif à la société extérieure). C’est un lieu en pleine mutation et on peut s’attendre à une évolution.

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Et notre super photographe Edouard Breining

Crédits : PAL, site de la ville de Pau

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