Paco Rabanne : le départ de l’architecte des runways

L’année 2022 a vu partir des créateurs et créatrices comme Thierry Mugler, Issey Miyake ou encore Vivienne Westwood ; l’année 2023 commence funestement avec l’adieu à Paco Rabanne (88 ans).

Né Francisco Rabaneda Cuervo en 1924 dans le Pays Basque Sud, l’enfant Rabanne est directement au contact de la couture via sa mère qui est première main pour Cristóbal Balenciaga. Dans le contexte de guerre contre les franquistes, son père – engagé dans les forces républicaines – est fusillé en 1939. Ce qui reste de la famille se réfugie en Bretagne. Paco Rabanne, dans les années 1950, se dirige vers des études d’architecture à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Pour financer ses études il vends des croquis de mode, et publie dans Women’s Wear Daily en 1959, sous le nom de Franck Rabanne, une série de sept robes aux lignes géométriques. Les lignes constitueront une caractéristique de la couture de Paco Rabanne, ce qui est directement un héritage de sa formation d’architecte. On retrouve d’ailleurs dès le début des années 1960 son appétence pour les matériaux non conventionnels comme le plastique et le métal. Il commence la fabrication d’accessoires pour d’autres noms comme Nina Ricci, Courrèges, Givenchy ou encore Balenciaga jusqu’en 1966.

1966

C’est l’année où Paco Rabanne présente sa première collection, il l’intitule « Douze robes importables en matériaux contemporains ». On retrouve l’importance des matériaux, de créer des tenues tournées vers le futur. Ces robes sont notables pour leurs sequins et surtout pour leurs plaques en Rhodoïd (matière plastique) – ce qui deviendra une spécificité de Rabanne – . Il enchaîne quelques mois après avec une collection de maillots de bain qu’il fait porter par les danseuses du Crazy Horse.

Ses robes font sensation rapidement, la galerie d’art d’Iris Clert (Paris) les expose dès septembre 1966.

Paris, France, août 1966 — Le couturier Paco RABANNE prépare une exposition de ses modèles en cuir riveté, plumes d’autruche et aluminium à la galerie d’art d’Iris Clert à Paris pour septembre. Ici, le couturier posant assis dans la galerie, au milieu des mannequins de vitrine portant ses robes futuristes. (Photo by GRAGNON Francois/Paris Match via Getty Images)

Dans cette ascension fulgurante, Paco Rabanne entame à l’automne des créations pour le cinéma : Deux ou trois choses que je sais d’elle (Jean-Luc Godard), Les Aventuriers (Robert Enrico), Voyage à deux (Stanley Donen). Il continue le cinéma avec en 1967 les tenues de Jane Fonda pour le film de science-fiction Barbarella de Jean-Claude Forest ainsi que Casino Royale de John Huston.

La fin des années 1960 est dédié à l’expérimentation, les tentatives autour des matériaux, et on retrouve par exemple : des robes de papier, du cuir fluorescent, du métal martelé, du jersey d’aluminium. Cette période est définitivement marquée par la robe qu’il crée pour Françoise Hardy (1968) : celle qui sera surnommée « la robe la plus chère du monde ». Elle la porte lors de l’Exposition internationale de diamants en mai, d’or et de diamants le prix est estimé à plus de 10,4 millions d’euros.

Le parfum

En 1969 Paco Rabanne sort son premier parfum : « Calandre » qui sera rapidement un succès et le motive à continuer dans cette voie. En 1973 il crée un parfum pour homme : « Paco Rabanne ». Dans la décennie 79-88 ce sera la sortie de « Méta », « La Nuit », « Sport » et « Ténéré ».

« Tout ce qui est textile est condamné à disparaître. Dans deux mille ans, en fouillant les ruines de Paris, les archéologues retrouveront des robes. Ils s’imagineront qu’elles auront été faites pour des déesses » interview dans Le Monde en 1995

Après le cinéma Paco Rabanne se tourne vers les stars de la chanson. Il crée les tenues de scène de Hélène pour la tournée Hélène 95 puis celles de Mylène Farmer pour Tour 1996. Il prend sa retraite de la couture à la fin des années 90 mais reste présent sur le prêt-à-porter.

Les récompenses

1990 : le Dé d’or pour la collection Printemps-été 1990
2000 : Médaille d’or du mérite des Beaux-Arts par le ministère de l’éducation, de la culture et des sports
2010 : Officier de la Légion d’honneur

Ce qui reste de Paco Rabanne

Côté couture on se souvient de son utilisation de matériaux non conventionnels comme le métal, le plastique voire même le béton, ses assemblages de pièces grâce aux anneaux ce qui permet de révélé le corps des femmes à travers ses quelques ouvertures. Évidemment ses tenues n’étaient pas faites pour être portées puisqu’elles étaient très inconfortables et lourdes. On y retrouve sa formation d’architecte dans l’assemblage des matériaux, l’évitement de la couture pour préférer le rivetage et les formes géométriques, tranchées, la recherche de volumes. Coco Chanel va le surnommer « le métallurgiste de la mode ».

Avant Yves Saint-Laurent, c’est en 1964 qu’il est le premier à faire défiler une mannequin noire [je n’ai pas réussi à trouver son nom], elle portait une robe de mariée en plastique blanc. À ce propos, la presse américaine en fait un scandale et lui reproche pendant plusieurs années. Dans un article du 04/05/98 de Libération, le journaliste Gérard Lefort explique que Paco Rabanne est toujours interdit de parution dans la presse américaine à cause des mannequins noires. Pour les noms qui sont ressortis, on retrouve : Nelly Kéïta, Esther Kamatari, Katoucha, Donyale Luna.

Dans les années 1980 il crée le Centre 57, un lieu de création réservé aux artistes de la diaspora noire, il est aussi à l’origine de la fondation d’une discothèque (Black Sugar), d’une maison de disque et des débuts de la radio libre version afro. C’est au Black Sugar que Paco Rabanne rencontre une de ses muses : Kathy Jean-Louis. Au centre 57 on pouvait rencontrer de futurs stars comme JoeyStarr, Kool Shen, Mc Solaar et bien d’autres, le concept était de proposer une salle gratuitement pour leur permettre de se professionnaliser et Paco Rabanne s’occupait de leur faire rencontrer des personnes influentes du milieu de la musique. Le centre ferme en 1985 à cause d’un voisinage raciste qui s’inquiétait de l’affluence de personnes noires dans leur quartier. L’article de Vanity Fair sur le mécénat de Paco Rabanne est plus précis et m’a servi largement de source pour présenter de façon succincte l’influence du couturier. Ce qui me semble important de noter ici c’est qu’il affirme être resté dans un rôle d’observateur et de mécène, ce qui reste la meilleure façon – selon moi – d’aider une communauté quand on a les moyens financiers pour. Évidemment, tout n’étant jamais parfait on peut imaginer des dérives dont je n’ai pas trouvé trace dans mes recherches, qui ne sont sûrement pas assez poussées sur le sujet.

« Rapidement, je constatai que les couturiers parisiens se complaisaient dans une attitude beaucoup trop passéiste à mon goût. (…) Le monde était en pleine mutation et la mode s’enlisait dans un immobilisme consternant. (…) C’est ainsi que germa dans mon esprit le projet de présenter ma propre collection de haute couture, dans l’esprit des dadaïstes, c’est-à-dire dans un geste de provocation et de révolte, dans l’espoir de secouer un peu cette inertie et de promouvoir, peut-être, une plus grande modernité », écrit-il dans Trajectoire. D’une vie à l’autre, son best-seller paru en 1991 chez Michel Lafon

Pour plus d’information je vous joins un article très intéressant sur la robe de métal par Paco Rabanne.

Thread sur ses différents défilés -> mhkzo .

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s