Très bel événement organisé par l’association Mauvais Genre de Paris qui a eu lieu le 23 mars 2022.
Je vous laisse mon introduction :
« Cette conférence porte un titre ambitieux, mais qui ne pourrait être synonyme d’exhaustivité. Il s’agit de rester humble, face à l’ensemble des connaissances qu’il est impossible d’emmagasiner et face à l’immensité des arts queers contemporains.
Qu’entend-t-on par « imagerie queer » ? Est-ce forcément dans la période contemporaine ? Pouvons-nous en faire une analyse anachronique ? Ces questions nous forcent à expliquer nos bornes chronologiques, qui ne sont pas si claires. Nous pouvons ici rappeler que :
« ce qui était queer hier ne l’est plus forcément aujourd’hui ; ce qui n’était pas considéré comme queer il y a dix ou vingt ans peut l’être devenu à nos yeux extrême-contemporains, de plus en plus nourris et sensibilisés par les études de genre1 »
Cela nous permet d’envisager une relecture des œuvres passées, leur conférant un rapport au genre et à la sexualité qui n’était pas toujours envisagé depuis un point de vue dit queer. Pour illustrer cette notion d’anachronisme queer nous citons l’exemple de la figure du Saint Sébastien. À l’origine, un martyr chrétien, il devient peu à peu une figure érotisé et homosexualisante. À propos, nous nous referons à l’article éclairant du chercheur Ennio Grazioli, que vous pouvez retrouver sur Florilèges. Ennio situe le tournant de cette érotisation à l’oeuvre peinte de Guido Reni où l’on se trouve face à un martyr rêveur, pensif, le visage androgyne et la peau écarlate. Les flèches le transpercent profondément mais ni le sang ni la douleur ne sont perceptibles. Je cite le chercheur :
« On pourrait parler du Saint Sébastien de Reni comme d’une œuvre queer, en ce qu’elle possède un discours sous-jacent qui parle à une certaine audience qui va faire basculer le discours de son iconographie »
Il ajoute l’exemple de Frederick Holland Day, qui reprend les codes de représentation du Saint à l’époque de la Renaissance, avec une sublimation de l’anatomie. En ce qui concerne mieux notre époque, nous voyons une assumation plus franche de cette homosexualisation de Saint Sébastien avec l’oeuvre du duo Pierre et Gilles qui, fidèles à eux-même, kitschisent la figure chrétienne. On retrouve un modèle viril, imberbe, à l’image d’un éphèbe, le visage rêveur tandis que les flèches déclenchent ici un afflux de sang.
1Plana Muriel, Sounac Frédéric, Beauchamp Hélène, et al. (éd.), Esthétique(s) queer dans la littérature et les arts: sexualités et politiques du trouble, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, « Collection Écritures », 2015, 385 p., p10″