Représenter l’actualité est depuis longtemps l’une des grandes préoccupations des artistes. Les siècles précédant ont pu voir la naissance et le développement de la peinture d’histoire comme représentation des événements contemporains. Elle avait pour rôle de copier la réalité afin de créer un témoignage, à la fois pour ses contemporains et pour les générations futures. Au cours du XIXe siècle, un nouveau courant de la peinture d’histoire apparaît, rattaché tantôt au réalisme et tantôt au naturalisme. Des artistes comme Gustave Courbet, Jules Adler ou Maximilien Luce peignent des scènes du quotidien, et des personnages issus du peuple. Ils bafouent les règles de la grande peinture d’histoire normalement consacrée aux scènes de guerre et aux personnages incarnant le pouvoir et la richesse. Cette peinture plus sociale s’intéresse aussi aux images de révolte des ouvrier·e·s, comme dans La Grève au Creusot (1899) d’Adler ou Une rue à Paris en 1871 (1903-1905) de Luce (représentant respectivement une grève d’ouvrier·e·s et la répression des communard·e·s).
A la même époque la photographie apparaît et se développe : peu à peu la peinture d’histoire perd son rôle de copie de la réalité, alors repris par la photographie qu’on considère comme plus authentique. Elle a aujourd’hui complètement détrôné la peinture d’histoire. La photographie permet une prise de vue immédiate des événements et un développement bien plus rapide. Nous ne pouvons pas minimiser le rôle des réseaux sociaux qui en permettent la diffusion quasi instantanée. C’est un outil notamment utilisé par les photo-reporters pour partager leurs images. Le rôle de ces dernier·e·s est souvent celui de témoins de répression et de violence. Pour ce qui nous intéresse, nous les retrouvons aux abords des manifestations qu’iels photographient largement. En plus de marches contestataires, iels assistent à la répression qu’exercent les forces de l’ordre contre les manifestant·e·s. En croisant une utilisation plus systématique des réseaux sociaux et une répression importante, les images de présence massive des forces de l’ordre et de leur violence sont de plus en plus nombreuses. Elles représentent de véritables témoignages d’une époque et d’un système politique.
Certaines sont hissées en symboles grâce à leur composition, nous pouvons penser à cette photographie représentant trois enfants lors du bombardement d’Hiroshima : une image suffit à évoquer tout le contexte dans lequel elle a été réalisé. Les images de la répression en dehors des frontières hexagonales font leur entrée dans des galeries d’art, des institutions muséales. Outre la question éthique d’exposer des corps mutilés et la souffrance de nos contemporaines, qu’est-ce qui fait art ? Quels sont les éléments qui permettent de décider que cette image issue d’un photo-reportage a les qualités artistiques d’entrer dans un espace d’exposition ? Sont-elles toutes légitimes à y être ? C’est autour de ces questions qu’évolue l’exposition « 1312. Des violences policières à la photographie sociale », par la monstration d’images contemporaines de violences nous pourrons nous interroger sur notre jugement artistique.
Marion Cazaux, Juliette Ducrocq, Hugo Minvielle
Création graphique et web : Juliette Ducrocq
Avec le soutien d’Art&Fac et de Solidaires étudiant·e·s Pau Occitanie
Et le soutien financier du CROUS Bordeaux et de l’université de Pau et de pays de l’Adour